Le rôle du charbon végétal

 

Le charbon végétal – la base de la Terra Preta

Le charbon végétal offre au sol, et ce faisant aux plantes, de nombreux avantages: grâce à sa vaste surface qui peut s’étendre jusqu’à 300 mètres carrés par gramme, c’est un lieu de vie idéal pour tous les innombrables êtres vivants du sol et les micro-organismes qui, par leur action, transforment de la biomasse en humus. C’est aussi un excellent réservoir pour l’eau et tous les éléments nutritifs qui sont nécessaires à la croissance des plantes. Le charbon végétal peut à cette occasion multiplier son poids par 5! Il protège le sol non seulement de l’assèchement (ce qui permet de moins arroser), mais également du lessivage car les éléments nutritifs sont stockés durablement dans ses nombreux pores. Le charbon végétal a aussi un énorme atout sur le plan environnemental; il fixe de grosses quantités de CO2 et de polluants dans le sol de manière à ce que ni les plantes ni les nappes phréatiques ne soient touchées.

Le charbon végétal ne s’épuise pas; une fois enfoui dans le sol, il se conserve tel quel, comme le prouvent les découvertes dans la région d’Amazonie. Des études ont révélé qu’il remplit en outre une importante fonction de catalyseur: normalement, lors de la dégradation de substances organiques dans le sol, des molécules relativement petites se forment et disparaissent, pour la plupart évaporées ou lessivées. Contre cela, le charbon végétal soutient leur transformation en macromolécules stables qui ensuite s’associeront à l’humus durable. Ce processus est continu et explique pourquoi la terre noire se perpétue et croît indépendamment de l’apport d’engrais. Dans les pores du charbon végétal a lieu un échange de cations particulièrement intense qui assure une meilleure mise à disposition et absorption des éléments nutritifs pour les plantes. A cela contribuent aussi les champignons mycorhiziens qui opèrent une symbiose (mycorhize) avec les racines et s’établissent en forte concentration dans le charbon végétal.

Avant d’être épandu, celui-ci doit cependant toujours être rechargé en éléments nutritifs (similairement à une pile); soit dans le jardin, par exemple dans le compost, et/ou à la maison avec la méthode Bokashi. Incorporé pur au sol (donc non rechargé), il absorberait comme une éponge les éléments nutritifs présents et endommagerait ainsi les plantes. Il faut aussi savoir que la cendre de bois, riche en potassium, ne remplace néanmoins pas le charbon végétal et doit être épandue avec prudence sur le sol (au maximum 3 litres/10 mètres carrés) ou le cas échéant incorporée au compost.

 

Le charbon végétal dans l’élevage d’animaux

A l’étable et dans le traitement du lisier, les effets du charbon végétal sont là encore très importants, et ce presque sans effort: juste quelques petits apports dans la litière fixent les mauvaises odeurs et améliorent l’hygiène de l’étable, de sorte que les animaux soient plus rarement malades et consomment moins de médicaments. Entre-temps, le charbon végétal certifié peut aussi être utilisé comme complément alimentaire.

A noter que l’on répand le charbon végétal soit d’emblée dans la litière, soit on le remue après dans le lisier (cette dernière solution a l’avantage de nécessiter une quantité moindre par mètre cube). Les éléments nutritifs sont si efficacement fixés dans le lisier qu’au final une plus grande part d’entre eux reste dans le sol après l’épandage. Le fumier solide, qu’il soit de boeuf, de poulet ou de cheval, se prête par ailleurs très bien à la fabrication de terre noire de grande qualité quand il est associé à du charbon végétal et des déchets verts.

 

La fabrication du charbon végétal

Le charbon végétal est extrait par carbonisation grâce à un processus de pyrolyse entre 400 et 800 degrés et ensuite finement pulvérisé. Presque n’importe quelle biomasse peut faire office de matière première; le plus souvent on utilise des déchets issus de la taille d’arbres ou d’arbustes, des arbres en excédent ou encore de la paille broyée. Contrairement aux anciennes meules de charbonnier ou à la fabrication actuelle de charbon de bois, les installations de pyrolyses modernes sont conçues de telle façon que les émissions de HAP (les hydrocarbures aromatiques polycycliques, qui sont le sous-produit de la carbonisation) sont immédiatement brulées sans conséquences écologiques nuisibles. Ainsi se crée du charbon végétal de grande qualité, quasiment sans polluant. Le rendement s’élève à 40% de la biomasse initiale, mais l’énergie libérée par la pyrolyse peut être utilisée autrement presque sans pertes. De plus, cette manière de produire a un énorme effet protecteur pour le climat car, à travers la carbonisation, une demi-tonne de CO2 par tonne de biomasse est durablement retirée de l’atmosphère.

 

Charbon végétal contre agrocarburant

Le charbon végétal de qualité est encore assez coûteux car la demande augmente alors que les installations de pyrolyses sont encore relativement peu nombreuses, avec une capacité de production limitée. Dans ce contexte, l’emploi du charbon végétal sur de grandes surfaces agricoles est encore difficile. Cependant, si l'on pense à tous les avantages de la Terra Preta, cela fait bien plus de sens de transformer la biomasse en charbon végétal (ce qui contribuerait à faire baisser les prix) que d’en faire de l’agrocarburant. Dans ce but, des unités de compostage locales sont parfaitement adaptées. Elles pourraient, en combinaison avec une installation de pyrolyse, transformer une partie de leurs déchets verts en charbon végétal (au lieu de tout composter). Un tel dispositif serait très vite rentable et permettrait aux agriculteurs, non seulement de réduire leurs coûts en engrais et en pesticides, mais aussi d’augmenter significativement le rendement de leurs récoltes; et le profit à long terme pour les sols serait gigantesque.